"L'oiseau dans l'oeil"
Aquarelle et encre de Chine sur papier
15 x 10 cm
***
"Les oeuvres de Raphaël Mallon sont narratives comme celles rencontrées dans
la bande dessinée contemporaine, mais avec une inventivité particulière et une
obsession de la gémellité, à moins que ce ne soit celle du dédoublement
intérieur. Dans son dessin riche et fouillé, apparaissent des individus à double
tête, dont chacune garde une expression différente et qui dans certains cas on
en commun une même bouche. Cela serait-il le signe d'une certaine
schizophrénie? Pas du Tout!
En effet si chaque individu
présente des aspects multiples de sa personnalité, c'est qu'il existe toujours
cette dualité entre l'individu qui regarde agir et celui qui agit. Mais elle
s'efface apparemment en s'interpénétrant de façon harmonieuse la plus part du
temps, et ce, durant une grande partie de l'existence. Par contre, à tout
moment, la dissociation, le clivage entre ces deux nature du moi, peut se faire
jour. Je pense qu'à travers cette accumulation de personnages, il y a une
recherche prégnante sur l'identité supposée réelle de l'homme, comme du reste de
celle de l'artiste.
De la même manière, beaucoup de
ses individus se courent les uns après les autres, comme s'ils voulaient se
régler leur compte, à la recherche d'un confrontation finale espérant ainsi
résoudre leurs problèmes d'identité. Je crois qu'à travers cette oeuvre,
on aura jamais vu autant qu'à notre époque parmi la jeune génération, une telle
obsession de la recherche identitaire de l'homme dans le monde et de sa place
dans le cosmos. Sans doute que les idéologies, les religions, ne remplissent
plus leur rôle de garde-fou sécurisant, devant une constante et perpétuelle
angoisse existentielle. Peut-être retrouve-t-on dans ces travaux , ce même état
d'esprit qui semble avoir parcouru la pensée créatrice au Moyen-âge ou l'art
évoluait entre l'angélique et le démoniaque. En effet, quelques uns de ces
personnages pourraient se glisser, sans attirer l'attention, dans certains enfer
ornant les chapelles du XIIe et XIIIe siècle.
A 29 ans, Raphaël Mallon se
présente comme un grand jeune homme sympathique que l'on vient juste de sortir
de son rêve, appliqué qu'il est à toujours et toujours dessiner comme s'il
fallait qu'en une journée il termine l'oeuvre de toute une vie. Dès que l'on
amorce le dialogue avec lui, on le sent avide de communiquer et d'entendre
toutes les réflexions que l'on peux porter sur son travail. Le moteur de son
travail reste fonction avant tout de ses réactions par rapport à ce qui se passe
dans la société qui l'entoure. En particulier toutes les agressions que subit
notre environnement interpellent sans cesse sa sensibilité. Comme pour toute sa
génération, on note une prise de conscience marquée face à tous les problèmes
écologiques et la nécessité d'y faire face et de les résoudre de façon non
violente. Aussi, ses dessins ne sont jamais le résultat de longues cogitations,
mais simplement la traduction de réaction quasi épidermiques devant telle ou
telle situation.
La singularité aurait-elle ses
circuits? Sans doute, parce que Raphaël Mallon fait référence à Gregona. Ils ont
eu plusieurs entretiens et ce dernier lui a dit : "Attention ne te prends jamais
pour un artiste et continue sans cesse de travailler !" Je crois que voilà deux
préceptes que ce créateur semble suivre à la lettre. En effet, il parle de sa
passion de l'art avec la modestie enflammée d'un artisan et non comme un être
d'exception choisi par les Muses. Et ensuite, durant ce festival, je l'ai vu
dessiner sans cesse avec cette application que l'on connaît aux musiciens qui
inlassablement étudient une partition. J'imagine que bientôt, quand l'occasion
se présentera, que son dynamisme et tout le devenir contenu dans ses oeuvres
l'amèneront sur la voie des grandes compositions, que l'on peut pressentir dans
quelques unes de ses oeuvres."
J.C Caire dans "Les cahiers" de
François Ozanda
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